Une offre repensée d'Ehpad hors les murs est désormais modélisée sous le nom de « dispositif renforcé de soutien à domicile » financé par la Sécurité sociale pour une expérimentation de trois ans. Le véritable top départ est donné cette année.
Un financement « article 51 » pour 23 projets expérimentaux
La Croix-Rouge française, l'Hospitalité Saint-Thomas de Villeneuve (HSTV) et la Mutualité française ont travaillé avec les différentes directions du ministère de la Santé sur un modèle (reproductible) de « dispositif renforcé de soutien au domicile » (Drad) destiné aux personnes âgées en perte d'autonomie qui souhaitent rester chez elles mais pour lesquelles l'accompagnement classique à domicile n'est plus suffisant - de prime abord elles seraient orientées vers une entrée en institution.
Ehpad hors les murs, Ehpad à domicile, plateformes gérontologiques, plateformes de services..., plusieurs innovations ont fleuri dans les territoires, avec pour même ambition d'apporter à domicile les aides, le soin et la sécurité assurés par les Ehpad.
Mais deux ballons d'essai soutenus par les agences régionales de santé ont permis à ces trois acteurs majeurs du médico-social d'affiner leur proposition d'offre repensée d'Ehpad hors les murs : le dispositif Ehpad@dom coporté à Sartrouville (78) par l'Ehpad et le Ssiad de la Croix-Rouge ; et le projet d'HSTV à Rennes faisant le pont entre son Ehpad Saint-Louis et des acteurs du soutien à domicile (centre communal d'action sociale de la ville de Rennes, fédération ADMR d'Ille-et-Vilaine).
Trois fondamentaux
En s'appuyant sur les référentiels publiés en 2019 par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS), les trois partenaires candidats à une expérimentation nationale ont élaboré un cahier des charges socle, déclinable localement, articulé autour de trois fondamentaux : la coordination des acteurs et dispositifs ; l'apport des expertises gériatriques de l'Ehpad ; la sécurisation de la personne âgée à son domicile. L'objectif est de proposer 24 h sur 24 et 7 jours sur 7 une palette de services potentialisés par l'intrication domicile/institution. « Notre conviction est que la réponse adaptée au défi de la longévité passe par un travail étroit entre professionnels du domicile, professionnels de santé de premier recours et les Ehpad », écrit Albert Lautman, directeur général de la Mutualité française dans la revue de l'École nationale supérieure de Sécurité sociale*. Il ajoute : « cette mise en réseau d'acteurs qui ne travaillent pas assez en complémentarité aujourd'hui permettra de sortir de la préférence pour l'institutionnalisation, une spécificité française ».
Un arrêté du 5 octobre 2020 publié le 16 octobre a validé ce cahier des charges et donné le feu vert à une expérimentation nationale qui bénéficiera d'un financement de plus de 21 millions d'euros sur trois ans, frais d'ingénierie compris, au titre de l'article 51 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018 (« innovations organisationnelles pour la transformation du système de santé »). Par dérogation aux règles de tarification, le financement type capitation prend la forme d'un forfait mensuel de 1004 euros par place. Il prend en charge les dépenses dédiées à l'évaluation des situations individuelles, à la coordination des actions prévues dans le plan d'aide ou à certaines prestations en dehors du droit commun. Un bilan intermédiaire après 18 mois dira, entre autres, s'il faut instaurer une participation financière à la charge de la personne âgée.
Montée en charge progressive
L'arrêté du 5 octobre présente les 23 projets locaux de Drad retenus : 5 pour HSTV, 7 pour la Croix Rouge et 11 pour la Mutualité française. Quelques projets sont déjà sur les rails, mais la majorité entrera dans l'opérationnel en 2021. La durée d'expérimentation est fixée à 36 mois à compter de l'inclusion du premier résident. Chacun accompagnera une file active de 10 à 40 personnes âgées, soit environ 580 d'ici la fin de l'expérimentation. Les Ehpad sont souvent les pilotes territoriaux et toujours des rouages essentiels quand le domicile est aux manettes (Saad, Ssiad, Spasad). Au total une cinquantaine d'Ehpad participent à l'expérimentation nationale.
Ainsi le groupe MGEN a-t-il annoncé le 26 janvier le lancement d'un Drad de 30 places dans le Val-d'Oise s'adressant à des personnes GIR 1 à 4, habitant à moins de 20 minutes de l'un des trois Ehpad qu'il gère à Marly-la-Ville, Louvres et Fontenay-en-Parisis.
« Dans les années 2000, la médicalisation des maisons de retraite et la création des Ehpad marquaient un indiscutable progrès dans l'accès aux soins des personnes âgées en perte d'autonomie, a résumé Stéphanie Roger, vice-présidente du groupe : 20 ans plus tard, les Drad constituent une véritable révolution, en permettant aux personnes en perte d'autonomie de bénéficier de prises en charge de qualité, tout en continuant à vivre chez elles ».
L'expérimentation « article 51 » fera l'objet d'évaluations qui devront objectiver la plus-value des Drad pour les personnes âgées et les personnels. Et conclure sur l'opportunité de les généraliser.