La loi d'adaptation de la société au vieillissement (loi ASV) du 28 décembre 2015 vise clairement à promouvoir l'habitat dit intermédiaire : des logements autonomes dans un ensemble collectif avec des espaces communs et dotés de services vie quotidienne. Ces solutions d'habitats-services non-médicalisés sont mieux adaptées aux besoins et aux aspirations de nombreuses personnes fragilisées par l'âge (Gir 6, 5 et 4), vivant seules, dans un logement ordinaire inadapté et éloigné des services de proximité.
Un secteur en plein (papy)boom !
Avec environ 165?000 logements, cet habitat dit intermédiaire représente en France à peine 1,3?% du total de l'offre de logement et d'hébergement des personnes âgées de 65 ans et plus. Une part nettement inférieure à celles du Royaume-Uni (4?%) et du Québec (7?%). C'est dire le potentiel de développement à venir.
Sans bouleverser le cadre juridique et réglementaire hétérogène (logement social et médico-social) du secteur, la loi ASV, d'une part, redéfinit les missions des logements-foyers régis par la loi n°2002-2 rénovant le code de l'action sociale et des familles (CASF), désormais dénommés "?résidences autonomie?", et d'autre part, reconnaît pour la première fois le statut juridique de la "?résidence services?" pour seniors.
Les résidences services seniors, un cadre juridique et réglementaire mieux assuré
La loi ASV reconnaît pour la première fois le statut juridique de la résidence services?: "?Art. L. 631-13. La résidence services est un ensemble d'habitations constitué de logements autonomes permettant aux occupants de bénéficier de services spécifiques non individualisables. Les services spécifiques non individualisables sont ceux qui bénéficient par nature à l'ensemble des occupants?". Même si le terme générique de "?résidence services?" désigne aussi bien les résidences pour seniors que les résidences d'étudiants ou d'affaires, cette reconnaissance par un texte de loi est en soi un formidable acquis pour le secteur et ses acteurs, promoteurs, exploitants et investisseurs.
La loi prévoit plusieurs mesures pour clarifier le cadre juridique et réglementaire d'exploitation et répondre notamment aux problématiques spécifiques des résidences services dites de 1re génération (copropriétaires occupants).
Distinction entre les services individualisables et les services non individualisables?: les premiers (repas, linge, SAP, etc.) peuvent être souscrits librement par les occupants auprès des prestataires?; les seconds (conciergerie, surveillance, salons, salles d'activités, piscine, jardin, loisirs) bénéficiant par nature à l'ensemble des occupants sont à la charge des copropriétaires selon le principe de l'utilité adossée à chaque lot (logement). Ces services non individualisables sont définis par le décret n°2016-1737 du 14?décembre 2016?:
? L'accueil personnalisé et permanent des résidents et de leurs visiteurs
? La mise à disposition d'un personnel spécifique attaché à la résidence, le cas échéant complétée par des moyens techniques, permettant d'assurer une veille continue quant à la sécurité des personnes et à la surveillance des biens?;
? Le libre accès aux espaces de convivialité et aux jardins aménagés.
Pour éviter tout conflit d'intérêt, la loi interdit au syndic de prester lui-même directement ou indirectement ses services. Enfin, elle instaure l'obligation de créer un conseil des résidents (propriétaires occupants et locataires).
À l'examen de ces éléments, force est de constater que la loi ASV s'inspire largement des pratiques en vigueur dans les résidences services seniors de 2e génération depuis leur création dans les années 2000 par de nouveaux opérateurs qui ont su tirer les enseignements des limites et des échecs des expériences passées. En effet, les résidences services seniors de 2e génération sont des copropriétés de droit commun bâties sur une distinction claire entre?:
? le propriétaire du logement qui est souvent un investisseur particulier souhaitant constituer un patrimoine immobilier et générer un revenu foncier (loyers) en bénéficiant des dispositifs de défiscalisation (LMNP avec déficit foncier, Censi-Bouvard, Pinel)?;
? le résident, dans la plupart des cas un locataire, qui vit dans un logement autonome à titre de résidence principale?;
? l'exploitant qui assure la gestion locative de la résidence par délégation du syndicat de copropriété et des services aux résidents, possède ou loue les espaces d'activités et assume le risque d'exploitation des services et de la vacance des logements.
Néanmoins, gérées dans le cadre spécifique de la copropriété des résidences 1re génération alors qu'elles n'en relevaient pas réellement, un certain flou juridique et réglementaire risqué régnait dans les relations entre les exploitants et les résidents qui sont essentiellement des locataires. Les premiers ne savaient pas toujours quelles charges non individualisables facturer aux copropriétaires et aux locataires. Ces derniers pouvaient parfaitement les contester arguant qu'elles étaient à la charge du copropriétaire comme le stipule la loi du 10?juillet 1965.
Sur ce volet, la loi ASV définit enfin un cadre juridique précisant les rapports locatifs entre exploitants et résidents rendant exigibles les charges des services non-individualisables. Quant aux services individualisables, ils peuvent être souscrits librement par les occupants auprès du ou des prestataires.
Les résidences services seniors, un secteur qui a le vent en poupe?!
On estime en 2016 l'offre globale du secteur des "?résidences services seniors?" à environ 500 résidences pour environ 40?000?ou 45?000?logements. Cependant, ces chiffres englobent des résidences de 1ère génération (140 unités) et de 2e génération (350 unités) qui elles-mêmes sont constituées de résidences seniors dotées d'une simple conciergerie et d'autres qui proposent un panel de services très variés. Les résidences services du parc social sont plus récentes et peu nombreuses. Elles ne proposent en général pas de services en dehors d'un accueil gardiennage.
Le parc commercial est de loin le plus important et le plus dynamique du secteur de l'habitat dit intermédiaire. Il a connu ces dix dernières années une croissance intense et les projections à échéance 2020-2025 ne démentent pas cette tendance?: 800 à 1?000 unités pour un total de 80?000?à 100?000?logements. L'arrivée des baby-boomers à l'âge de la fragilité (80-85 ans) vers 2025-2030 devra accélérer cette dynamique. D'autant que ces nouveaux seniors ont des revenus plus élevés, un patrimoine plus conséquent, y compris les femmes qui sont les premières clientes. Ils sont aussi plus attachés à leur autonomie et aux valeurs du bien vieillir. Par ailleurs, l'accroissement prévisible du nombre des personnes âgées vivant seules (veuvage, ruptures conjugales, éloignement géographique des proches) et sans doute aussi la désertification croissante des petites communes et du péri-urbain, devront rendre l'offre de résidences services plus attractive.
Le secteur s'est professionnalisé car le métier exige des fonds propres importants, une stratégie et un positionnement sur le marché bien adaptés, un savoir-faire solide et des capacités d'organisation, de commercialisation et d'exploitation dans la durée, avec une véritable démarche client, et ceci dans un contexte de plus en plus concurrentiel. Les leaders sont connus, les challengers solides s'affirment, de nouveaux acteurs, issus notamment du secteur médico-social, se positionnent sur un marché émergeant plus dynamique. Des stratégies de déploiement à l'international se font jour. L'entrée sur le marché des résidences services seniors des promoteurs et depuis peu des investisseurs institutionnels va accélérer cette évolution avec probablement une plus grande concentration du marché.
Un label RSS en construction?:
Pour mieux répondre aux enjeux du secteur, mieux identifier l'offre encore très hétérogène, rendre le marché plus lisible et organisé, les deux syndicats, SNRA et SYNERPA, travaillent à l'élaboration d'un label spécifique aux résidences services seniors de 2e génération. Centré sur le client et le métier d'exploitant, ce label a pour ambition de préciser un socle commun fait de conditions requises et de bonnes pratiques portant notamment sur les points suivants?: bâti et taille de la résidence, équipements et qualité des espaces privatifs, espaces communs et d'activités, services, qualification du personnel, relation client, déontologie...
Les travaux, débutés en 2016, ont d'ores et déjà permis de dégager plusieurs points de convergence. À partir des principaux éléments de ce socle commun, un véritable référentiel de labellisation sera prochainement élaboré en lien avec un organisme certificateur, qui pourra éventuellement intervenir dans la seconde phase de déploiement opérationnel du label.