Les acteurs se mobilisent pour répondre à l'évolution des besoins. Interview de Thomas Labrunye, Président directeur général de Bulle de Linge.
Un secteur en pleine mutation
L'entretien du linge des résidents n'a pas été intégré au tarif socle. Cela a-t-il un impact sur votre activité ?
T. Labrunye : En France, la majorité des établissements publics comme associatifs ont historiquement intégré le traitement du linge du résident dans leur prix de journée. S'agissant du secteur privé commercial, très souvent il refacture optionnellement avec ou sans marge ce service et cela peut représenter selon les établissements, jusqu'à 120/150 euros par résident et par mois. Les établissements publics et associatifs ont plaidé pour que l'entretien du linge des résidents soit intégré dans le tarif socle, les acteurs privés ne le souhaitaient pas afin de laisser le choix. C'est finalement cette deuxième option qui a été retenue. Nous pourrions dès lors imaginer que les résidences pour lesquelles ce service est intégré dans le prix journée décident de sortir cette prestation, mais socialement ce serait délicat, à l'heure où justement l'importance du reste à charge est un sujet brûlant...
Donc finalement rien n'a vraiment changé...
T. Labrunye : Non, si ce n'est l'intégration de la fourniture et de l'entretien des serviettes et gants de toilette dans le tarif socle. Plus besoin pour le résident de les ajouter à son trousseau personnel. Il faut aussi approuver le fait que cette communication, et la mise en ligne des informations sur le site créé par le ministère, permette de mieux informer les familles. Mais il est vrai que pour les établissements qui ne refacturent pas la prestation d'entretien du linge des résidents, cela représente un coût significatif. Pour les autres cela prend en compte et atténue une charge incontestable. Dans tous les cas, la qualité de la prestation et l'attention portée aux vêtements doivent évidemment rester les mêmes.
Notez-vous toutefois une tendance à l'externalisation ?
T. Labrunye : Oui, c'est certain. Il y a un mouvement régulier et significatif d'externalisation de l'entretien du linge des résidents depuis maintenant une dizaine d'années. Pour les établissements qui gèrent ce service en interne, l'externalisation se fait au gré des départs en retraite ou des réorganisations internes impactant le personnel en charge de cette fonction. Elle peut être également provoquée par les besoins de réinvestissements en matériel ou de mises aux normes des installations ou bien encore de récupération de surfaces disponibles pour les affecter à d'autres projets. Dans les motivations qui prévalent lors de la décision d'externaliser, il y a nécessairement le souhait de réaliser des économies financières et de mieux maîtriser ce budget important, mais il y a également bien souvent la volonté de se décharger d'un service complexe à réaliser et de recentrer la résidence sur le coeur de sa mission : l'accompagnement et le soin des personnes fragilisées.
Comment répondre aux besoins énormes de ce marché tout en respectant la personnalisation, presqu'artisanale du service ?
T. Labrunye : C'est justement ce qui fait sa singularité. Ce métier relève par certains aspects de l'épicerie fine. La personnalisation commence par le marquage de tous les articles. C'est une opération manuelle qui nous permet de connaître chaque vêtement de chaque résident. C'est un préalable indispensable à la réalisation de la prestation. Tous les articles sont différents, ce qui ne permet pas un traitement industriel « de masse » ou d'amateur. Et c'est valable pour l'identification, mais aussi pour le lavage, le séchage et la finition des articles. Certains articles sont restitués pliés, d'autres sur cintres, certains encore sont repassés à la main. Les trousseaux sont ensuite reconstitués et conditionnés pour chaque résident. L'erreur n'est pas tolérable.
Aujourd'hui, pour accompagner la montée en charge et répondre aux besoins du marché, nous envisageons la création de nouvelles unités. Nous devons conserver une taille humaine pour maintenir la proximité et garantir la qualité de notre travail. Nous faisons donc le choix d'augmenter le nombre de sites, plutôt que de chercher à les agrandir toujours plus.
Comment abordez-vous la question du domicile ?
T. Labrunye : C'est un sujet sur lequel nous portons nos réflexions. Notre ambition est d'apporter notre service aux personnes dépendantes là où elles se trouvent. L'enjeu est de résoudre la complexité de la logistique du dernier kilomètre. Le coût du ramassage et de la livraison au domicile est très élevé. Comment mutualiser les services logistiques avec les acteurs du maintien à domicile ? Il faut imaginer et tester de nouvelles solutions. Il y a aujourd'hui beaucoup d'acteurs qui interviennent dans le maintien à domicile des personnes dépendantes et beaucoup d'organisations très différentes. A nous de trouver le modèle qui convient, le plus adapté pour répondre aux spécificités de ce nouveau marché.