Chaque année, Géroscopie élabore une photographie du secteur. Si elle reste forcément parcellaire, elle permet toutefois de dresser un état des lieux de la santé des groupes comme de leurs attentes et perspectives pour l'année à venir. Analyse.
Un secteur en quête de reconnaissance
Une relative stabilité
La première chose qui frappe en observant rapidement le tableau joint, c'est la stabilité du secteur. Si des changement de place minimes sont enregistrés dans le tableau, les trois plus grands groupes - La Mutualité Française, Arpavie et Vyv3 - restent dans l'ordre (classement établi en nombre de lits), la Mutualité française maintenant son chiffre de 25 000 lits. Les Marpa, Univi, Habitat & Humanisme, la Croix-Rouge française, Adhévie Union, Edenis et LBA Les Bruyères enregistrent une croissance avec l'ouverture ou le rachat de nouvelles structures. Côté CA, c'est la Fondation Partage & Vie, avec un CA provisoire de 453 M d'euros pour 6 847 lits, qui tient le haut du pavé, la Mutualité Française n'ayant pas communiqué son chiffre d'affaires.
Des nouveautés en 2023
Face aux difficultés connues et dont Géroscopie s'est largement fait écho depuis un an (inflation, pénurie de professionnels, crise de sens...), les groupes ne sont pas restés passifs. De nombreuses expérimentations ont été menées pour recréer de la confiance et dynamiser le secteur : service de télémédecine et d'une plateforme gérontologique pour Arpavie, création d'habitats pour seniors et de centres de ressources territoriaux pour Vyv3, le Groupe SOS Seniors et ACPPA, et d'habitats inclusifs pour la Fondation Partage & Vie, qui a également ouvert un institut de formation continue. Le Groupe SOS Seniors, au-delà des reprises et ouvertures d'établissements, a continué de déployer sa marque et ses actions : Campagne « Viens je t'emmène », philosophie « Mon Ehpad Mon Domicile », plateforme ogenie.fr pour lutter contre l'isolement, signature d'une charte de collaboration avec Enéal pour développer l'habitat pour tous, et soutien des professionnels par la création d'un institut de formation et l'ouverture d'un Ifas. Univi, de son côté, a officiellement lancé le label Lobelia et créé un dispositif d'aide aux aidants « Vi'La'Vie ». La branche soin du mouvement Habitat & Humanisme s'est réorganisée autour de directions régionales. Elle a fusionné 9 maisons et mis en place des dispositifs expérimentaux de robotique. Comme l'Association Monsieur Vincent, le groupe ACPPA a lancé son nouveau projet associatif Cap 2028 (Ambitions 2028 pour Monsieur Vincent), en faveur d'une culture de l'inclusion et la promotion d'un regard bienveillant sur le grand âge. Le groupe a également créé un nouveau pôle gérontologique et s'engage dans le développement de la VAE pour l'obtention du diplôme d'aide-soignante. Les Petites Soeurs des Pauvres continuent de céder des établissements en France mais démarrent un troisième Ehpad aux Philippines et envisagent de fonder un second établissement au Nigéria. Le groupe Afp prolonge le travail mené sur les thérapies non médicamenteuses personnalisées, 8 Ehpad ont reçu une attestation de conformité, et développe dans 18 établissements sa démarche qualité Silvae.
Itinova, qui vient de fêter ses 100 ans, a également retravaillé sa feuille de route dans le cadre d'une démarche collaborative autour de son projet stratégique, insistant sur la qualité, l'attractivité et le renforcement du pilotage de l'activité. L'accompagnement des personnes handicapées vieillissantes a également été renforcé au sein des établissements. Chez Edenis, l'accent a porté sur la dimension RSE et bilan carbone avec la définition d'un plan d'action 2023-2025. La place des CVS a été renforcée par la création d'un poste d'« invité permanent » pour les organismes de tutelle et la mairie. Outre la pérennisation de différentes expérimentations dont celle d'un troisième pasa de nuit, la Fondation Cos Alexandre Glasberg a engagé de nombreux Ehpad dans le dispositif HTU (Hébergement temporaire d'urgence). Chemins d'espérance se distingue par une initiative singulière d'accompagnement en soins palliatifs. L'association Les Bruyères (LBA), enfin, a développé un dispositif de cdi-sation pour fidéliser ses salariés et réalisé un tour de France avec la pièce de théâtre filmée « Ensemble pour demain ».
Des attentes immédiates et de long terme
Interrogés sur leurs attentes, les groupes ont naturellement réitéré leurs besoins prioritaires : des financements pour lutter contre l'inflation, un plan d'actions « choc » pour développer l'attractivité des métiers, une révision de la gouvernance et du pilotage du secteur, et un meilleur accompagnement des établissements habilités à l'aide sociale. Certains, dont la Fondation Partage & Vie, n'ont pas hésité à réaffirmer la nécessité de reconnaître le vieillissement comme un enjeu sociétal majeur, sous-entendant le manque de reconnaissance de la réalité du terrain. La Fondation qui insiste sur la nécessité de revoir le modèle économique, alerte particulièrement sur la situation du secteur privé non lucratif, à considérer avec une grande vigilance. « Il ne bénéficie pas du même soutien que le secteur public ni de taux d'évolution des tarifs comme c'est le cas pour le secteur privé commercial. »
La Fondation Partage & Vie invite à approfondir l'axe des transitions dans la stratégie du bien vieillir. « Le développement de modalités d'accompagnement plurielles peut conduire à la création de ruptures ou de transitions au fur et à mesure de l'évolution de la personne. Ces transitions, déjà connues entre résidences autonomie et Ehpad, sont complexes et sous-estimées, quant à l'impact organisationnel, émotionnel et financier (reste à charge x2 à 3 entre une résidence autonomie et un Ehpad). L'ensemble des dispositifs doivent être pensés et mis en oeuvre avec une exigence de continuum géographique, opérationnel, financier ».
Cette vision permet d'ouvrir le champ de la réflexion au-delà des besoins immédiats et ponctuels, qui bien que nécessaires, ne risquent d'apporter que des réponses provisoires.
Les groupes demandent de l'anticipation, une vision claire, des mesures pour prévenir la perte d'autonomie et accompagner au mieux la personne dans son intégralité et son intégrité, mais aussi un meilleur soutien de la performance environnementale, une adaptation des pratiques face à l'uberisation des jeunes collaborateurs, une simplification des processus de gestion, l'extension des métiers financés par les sections dépendance et soins (secrétariat médical, qualiticien en ESMSS, temps de psychologue...), la fusion des sections soins et dépendance, et toujours un meilleur financement des résidences autonomie.