Valérie Poulain, responsable du service de gériatrie au pôle de médecine d'urgence de Marne-la-Vallée, nous décrit le rôle de l'hôpital public et ses connexions avec les différentes structures et professionnels intervenant auprès des personnes âgées.
Un service de gériatrie au coeur du parcours de soins
Le service de Gériatrie qui se met en place dans le nouvel hôpital de Jossigny, à Marne-la-Vallée, dispose de 25 lits de court séjour gériatrique (prise en charge de pathologies aigües, pour une durée de séjour d'environ 2 semaines), 5 lits d'hôpital de jour (à visée diagnostique et thérapeutique), une équipe mobile intra et extra hospitalière et une consultation mémoire de proximité qui assure le dépistage des maladies de mémoire et leur suivi.
L'hôpital fait partie d'un groupement de coopération sanitaire avec l'hôpital de Coulommiers, l'hôpital de Meaux et l'hôpital de Jouard. La fermeture de l'ancien site de Lagny a entraîné celle de l'Ehpad public adossé au centre hospitalier, et le SSR public a été délocalisé sur Meaux. Le service a des liens avec les SSR locaux publics ou privés, et avec les Ehpad (environ 25 conventionnés avec l'hôpital).
Quels sont les liens avec les EHPAD ?
Nous relançons des réunions hôpital-Ehpad avec l'idée de réactualiser les conventions pour favoriser les échanges. Le centre hospitalier souhaite travailler avec les EHPAD sur le recours au service des urgences hospitalières pour essayer de fluidifier et de gagner en qualité dans le parcours des personnes âgées: quand les Ehpad ont un problème somatique avec leurs résidants nécessitant le plateau hospitalier, ils peuvent appeler les gériatres du CH et nous les admettons directement, sans passer par les urgences, avec souvent un délai de quelques jours, ce qui exclut l'urgence vitale. En effet, il est très difficile pour un vieillard de passer par les urgences.
Cela engorge ce service?
Oui , ce sont toujours des patients qui demandent du temps. C'est compliqué pour les urgentistes qui doivent aller vite mais aussi pour les patients. Un quart de nos entrées en court séjour gériatrique sont des admissions directes, soit des Ehpad, du domicile ou via les médecins traitants.
Existe-t-il un dossier médical partagé?
Beaucoup d'EHPAD disposent aujourd'hui du DLU, un dossier informatisé qui accompagne la personne partant aux urgences. C'est un plus. Mais ce dossier n'est pas partagé avec l'hôpital et nous ne pouvons pas y ajouter quelque chose. Nous rédigeons un compte rendu lorsque le patient réintègre son domicile. Le but des réunions d'échange entre les EHPAd et le Centre Hospitalier est de faire remonter les difficultés de chacun et d'y remédier. Ces échanges peuvent parfois permettre des admissions directes en EHPAD depuis l'hôpital.
Nous avons aussi une équipe mobile intra et extra hospitalière. Il s'agit d'un médecin gériatre et d'une infirmière qui donnent des conseils ou un éclairage aux hospitaliers dans les services. L'âge moyen des patients à l'hôpital étant d'environ 65 ans, il y a des personnes âgées dans tous les services...
L'équipe mobile extra hospitalière sort à la demande des médecins traitants, des CLIC, des Maisons des solidarités (tous ces intervenants ont un rôle majeur d'alerte et de suivi) qui peuvent trouver que la situation d'une personne à domicile se dégrade. Elle va évaluer cette situation (mais toujours avec l'accord du médecin traitant). Il est important de voir la personne dans son environnement, pour repérer ce qu'on ne verrait pas en consultation (le symptôme de Diogène, par exemple) ou pour quelqu'un qui ne veut pas se déplacer. Ce n'est pas de l'urgence. L'équipe n'intervient que lorsque les équipes de service à domicile ont besoin d'un regard extérieur.
Cette équipe n'intervient pas dans les Ehpad ?
On pourrait. On ne le fait pas encore. Il est vrai que les Ehpad disposent de gériatres, donc ils ont moins besoin de cette intervention. Là où ils ont besoin d'aide, c'est pour certains troubles du comportement. Dans ces cas-là, l' équipe mobile de psychiatrie du sujet âgé (nous avons la chance de posséder cette équipe, encore rare actuellement) intervient très régulièrement dans les Ehpad pour les troubles du comportement dérangeants.
Les deux équipes mobiles sortent de l'hôpital, quelquefois ensemble, car les situations réclament souvent un peu de gériatrie et un peu de psychiatrie. Chaque équipe a sa façon de voir les patients. Nous disposons aussi d'une infirmière coordinatrice qui travaille sur les cas difficiles, complexes, hospitalisés au court séjour gériatrique. Elle prend le temps de discuter avec les familles afin de préciser le mieux possible les difficultés et les souhaits, en appui avec l'assistante sociale, et pour définir le projet de soins. S'il y a danger à rentrer au domicile mais que la personne veut y retourner, peut-être tenterons-nous une sortie mais avec des garde-fous (passage quotidien d'une infirmière, visite rapide de l'équipe mobile). Il y aura un accompagnement. Pour beaucoup de personnes il est très difficile d'accepter des aides.
Qu'est-ce qu'un ESA?
C'est une équipe qui comprend des assistants en gérontologie, un nouveau métier, qui assiste les personnes à leur domicile et qui a une formation autour des troubles cognitifs. Elle est chapeautée par un ergothérapeute ou un psychomotricien. Un médecin traitant fait une prescription médicale pour une prise en charge hebdomadaire d'une heure par l'équipe Spécialisée Alzheimer, dans la limite de 13 à 15 séances, renouvelable tous les ans. Cette équipe, adossée à un SSIAD, va à domicile. Il faut que les personnes n'aient pas de troubles cognitifs majeurs. Elle va évaluer chez la personne, avec son accord, ce qui leur pose problème, pour les aider sur ce point-là. Par exemple, la personne aime faire la cuisine mais elle ne sait plus où elle range ses casseroles. L'équipe va travailler sur l'organisation de la cuisine. Ou si elle perd ses papiers... Cela permet à la personne d'accepter ses difficultés. Ensuite, cette offre n'étant pas pérenne, la prise en charge peut se poursuivre par une admission en accueil de jour. Ce dispositif existe depuis un an et permet de bien repérer ce qui ne va pas, de construire une autre solution. C'est un soin à domicile, sans formalités, facile à initier, qui démarre rapidement.
Du côté des Ehpad, les Plateformes de répit permettent une offre à la carte. Certains patients en consultation mémoire passent 48 heures par semaine en Ehpad. Le reste du temps, ils restent chez eux. C'est plus accessible financièrement pour les familles et l'aidant peut se ressourcer. Le patient va dans un accueil temporaire, à la carte.
Autre exemple d'une personne suivie à la consultation mémoire: elle peut mettre son mari en institution une semaine tous les deux mois. Cela lui permet d'aller voir ses petits enfants... C'est une solution possible avec certains Ehpad qui proposent des hébergements temporaires. Je trouve que cette flexibilité est respectueuse des personnes et de leur mode de vie.
Ces offres multiples - consultation mémoire de diagnostic et de suivi, prise en charge orthophonique, ESA, plateforme de répit, hébergement temporaire ou définitif, accueils de jour - peuvent être utilisées à divers moments de la maladie de mémoire, et la rendent un peu moins difficile pour le patient et sa famille.