La résidence Eleusis de Poissy (Groupe DomusVi) accueille uniquement des personnes désorientées. Dès lors, l'animation est l'outil majeur du projet de vie. Mario Tanvez, directeur, Marie Rolland, responsable de l'animation, et toute l'équipe s'impliquent dans une approche à la fois cognitive et sensorielle de l'animation. Avec comme clés de voûte le plaisir, la valorisation et l'ouverture sur l'extérieur.
Une animation bien orientée
D'un coup de plume Un plumier, des portes-plumes, des bouteilles d'encre noire, c'est l'atelier Belles Lettres de la résidence Eleusis ! " Tout ce que nous ferons, caractères chinois ou recettes de cuisine, sera relié dans un carnet que chacun pourra offrir ", rappelle en début d'atelier Marie Rolland, la responsable de l'animation. Aujourd'hui, nous écrivons en " pleins et déliés ". Nous allons recopier un extrait d'un poème chinois : Comme un cours d'eau, l'amour coule dans le coeur à l'infini. " Aussitôt, un résident attaque une chanson d'amour d'antan... En quelques instants, chacun est équipé. Les plumes sergent-major glissent sur le papier, l'encre embaume. Marie Rolland, qui travaille sur les réminiscences positives, a vu juste. " Cela me rappelle le bon temps, dit une dame, quand je faisais des modèles d'écriture pour mes élèves. " " Attention, il ne faut pas faire de pâtés !", prévient en souriant une autre résidente. Sa voisine s'applique. " Moi, j'ai l'habitude, je faisais les affiches à la pharmacie, se souvient-elle. Pour annoncer les gardes, les congés... " Une autre dame encore préfère recopier l'alphabet... Après une heure, chacun essuie son porte-plume. Entre motricité fine et respect des consignes, les résidents peuvent être fiers. " Quand je dirai à Geoffrey (ndlr : son petit-fils de 4 ans) que j'ai fait de l'écriture, il sera épaté ! " s'exclame une dame. Un pied dans le passé, l'autre dans le présent, dans l'atelier Belles Lettres, la dépendance s'oublie.
Pour des résidents non désorientés, l'animation est une partie du projet de vie. Pour les résidents désorientés de la résidence Eleusis de Poissy, elle est le support essentiel du projet de vie et du projet de soins. C'est ce qu'explique Mario Tanvez, directeur de la résidence psychogériatrique Eleusis de Poissy (Yvelines). Avec 85 résidents désorientés, un GMP de 865 et un PMP de 327, le directeur se donne les moyens de ses convictions : une responsable de l'animation motivée, Marie Rolland, une écoute fine des capacités et des envies, des activités variées, un travail plurisciplinaire. " Ici, la prise en charge est fondée sur la stimulation cognitive, commence Mario Tanvez. Seul dans sa chambre, un résident ne peut que perdre ses capacités. " La première preuve, on la trouve dans ce grand espace ouvert sur l'extérieur : l'Agora. C'est dans l'Agora qu'ont lieu les visites, les ateliers, qu'on y prend le goûter ; c'est de l'Agora qu'on accède au salon-bibliothèque et au salon de coiffure et d'esthétique ; de lui encore que part la rampe de déambulation, qui accède au salon du premier étage équipé d'un piano... Bref la vie est là, qui réveille. Au-delà de l'Agora, un programme formel d'animation existe. " Les propositions s'enchaînent de 9h à 12h00 et de 15h à 17h30 et ce, tous les jours de la semaine, précise Marie Rolland. Au programme : atelier marche, poésie, musicothérapie, Belles lettres (calligraphie), grande roue (vocabulaire), peinture, sorties culturelles... " Les ateliers sont ciblés et les groupes homogènes.
En vacances à Villers-sur-mer Le questionnaire rempli par la famille aide à faire les premières propositions. " Ce sont des indications, précise Marie Rolland, que nous allons enrichir avec notre propre observation. Nous pouvons proposer une activité cuisine à une personne qui ne cuisinait plus chez elle. Les aidants familiaux peuvent parfois mettre la personne en échec de façon inconsciente... " Et de mentionner cette résidente, violoniste, qui avait rangé son instrument car ses fausses notes choquaient sa fille. Ici, elle a retrouvé le plaisir de la musique. L'histoire de cette autre résidente, qui mangeait avec ses doigts, est tout aussi édifiante. Pendant les vacances elle a spontanément utilisé les couverts au restaurant ! Les vacances ? " Ce mois-ci, comme les deux années passées, nous emmenons un groupe de huit résidents en vacances à Villers-sur-mer (Calvados), énonce fièrement Marie Rolland. C'est une expérience fantastique. Ils reviennent transformés et avec de belles couleurs ! Et cela change le regard de leur famille et des équipes sur eux..." Les progrès, même s'ils sont temporaires, sont toutefois à annoncer avec précautions. " Il faut éviter le sentiment d'échec de la famille qui s'est investie auprès du malade jusqu'à épuisement !, intervient le directeur. La mise en valeur, les encouragements permettent, dans certains cas, de regagner en établissement ce qui a été perdu à domicile. Cela peut être mal perçu." Le parti-pris est donc celui du suivi de l'évolution du résident. Pour cela, l'animateur remplit après chaque atelier une grille d'évaluation de l'atelier. La personne a-t-elle été opposante, peu intéressée, participative ? Tout est noté ! Cette traçabilité présente plusieurs avantages. " Elle permet de réajuster les activités proposées, détaille Marie Rolland, et de restituer des informations précises aux familles. " Parfois, le degré de dépendance rend impossible la participation aux ateliers. " Nous insistons alors sur la prise en charge sensorielle, illustre Mario Tanvez. Toucher relationnel, espace balnéo, musique relaxante,... " D'autres prestations de bien-être (payantes) prodiguées par une socio-esthéticienne sont possibles : soins du visage, du corps ou des pieds, séances de reiki*. Une coiffeuse et une pédicure interviennent également sur place. Compte tenu du projet d'établissement, l'animation est l'affaire de tous (les fiches de postes incluent les ateliers dans le temps de travail quotidien). Une aide-soignante organise l'atelier-mémoire, une AMP la chorale, la psychologue la musicothérapie... Coordonnatrice des activités, Marie Rolland, qui pratique personnellement qi-gong et calligraphie, anime toute la journée. Fatigant ? " Non !, répond-elle. Je suis nourrie par les progrès des résidents, et par leur bonne humeur." Les résidents sont les grands gagnants de la politique d'animation : certains sont là depuis cinq voire dix ans ! Et si l'animation était, dans certains cas, la meilleure des médecines ?