Un psychologue pour écouter les problèmes personnels des salariés d'Ehpad ? C'est possible. Dominique Charlier, directeur de deux Ehpad de la Fonction Publique Hospitalière le fait depuis 4 ans. Avec un succès certain.
Une des clés de la sérénité
" Pour donner de la sérénité 24 heures sur 24 aux personnes âgées, il faut d'abord apporter de la sérénité aux équipes. " Telle est la philosophie de Dominique Charlier, directeur des Ehpad Un hameau pour la retraite et Oustau di Daillan, respectivement situés à Eyragues et Maillane (Bouches-du-Rhône). Ainsi le directeur a mis une psychologue à disposition des salariés, et ce depuis 2009. Hors les murs et en toute confidentialité.
" Les problèmes personnels, divorce, logement, crise d'un adolescent... peuvent polluer le quotidien professionnel, commence le directeur. J'ai voulu que les salariés puissent, à leur demande, être accompagnés. " Aussi, Virginie Crot, psychologue clinicienne, neuropsychologue au CHU de Nîmes, reçoit les salariés d'Eyragues les premier et troisième mardis du mois, ceux de Maillane le premier lundi du mois. La proposition s'appuie sur une règle d'or : la confidentialité. " Je ne suis au courant de rien !, précise Dominique Charlier. Les rendez-vous sont pris à l'initiative des salariés et ont lieu, pour Eyragues dans un logement-foyer ami, pour Maillane dans un local prêté par la mairie. De plus, les salariés peuvent joindre Virginie Crot sur son portable. " La psychologue enchaîne : " Je ne remonte une problématique au directeur que si cela représente un bénéfice pour le salarié et uniquement avec l'accord du salarié. "
L'entretien individuel dure une heure et le salarié est souvent vu trois ou quatre fois. Au cours de cet entretien, la psychologue analyse avec le salarié la problématique rencontrée. " Il s'agit d'abord d'identifier le véritable problème : un sujet en cache souvent un autre..., précise Virginie Crot. Ensuite, il faut élaborer, le plus possible en collaboration avec la personne, une stratégie de résolution du problème. " Si les principaux thèmes se nomment deuil, divorce, maladie de la personne ou du conjoint, difficultés financières..., ils se tissent souvent avec les aspects professionnels. Le décès d'un résident rappelle un décès familial, une fatigue excessive cache un désir de mobilité professionnelle. Dans ce contexte, mettre en mots, clarifier, prendre du recul, décider s'avère indispensable.
Toutefois, qui dit prestation dit coût. " La vacation est intégralement prise en charge par les établissements, indique le directeur. Ce choix relève de notre politique sociale d'établissement, tournée vers la bien-value des agents. Le comité technique d'établissement a d'ailleurs validé le projet dès sa mise en place en 2009. " Au fil du temps, les salariés, qui craignaient au départ l'amalgame entre vie personnelle et professionnelle, ont pris confiance. À tel point que parfois, c'est Dominique Charlier lui-même ou les cadres de santé paramédicaux qui rappellent cette possibilité à un salarié en difficulté. De son côté, la psychologue peut remonter, de façon anonyme et après plusieurs témoignages concordants, les éventuels dysfonctionnements d'une équipe.
Établissement, salariés, personnes âgées... chacun est donc bénéficiaire. Pourtant rares sont les établissements qui ont mis en place de telles consultations. Peut-être qu'une psychologue pourrait en expliquer les raisons ?
Deux cas
Avec Virginie Crot, psychologue clinicienne, neuropsychologue.
Exemple 1
" Une salariée m'a parlé d'emblée de sa difficulté face à son divorce. Très vite, son discours s'est centré sur ses collègues, qui, selon elle, n'étaient pas indulgents. Au fur et à mesure de l'entretien, elle s'est rendu compte du transfert qu'elle opérait entre ses collègues et son ex-mari. Nous avons terminé ce travail sur ses propres mots : " ce ne sont pas mes collègues qui m'ont quittée, c'est mon mari ". Dans ce cadre institutionnel, mon travail était achevé. "
Exemple 2
" Une salariée m'a appelée en me parlant de la difficulté à dépasser le deuil d'un résident. Lors du premier entretien, cette personne a parlé, avec beaucoup d'émotions, de la relation qu'elle avait pu avoir avec ce résident et du moment de la découverte du corps. Elle répétait : " Si j'avais su... ".
Lors du second rendez-vous, la personne a reconnu que depuis ce décès, elle se sentait obligée de revérifier avant de quitter son poste, si elle n'avait rien oublié pour tel ou tel résident, et que cela la handicapait de plus en plus. Nous avons alors axé l'entretien sur son histoire de vie. Elle a raconté, avec beaucoup de distance, le décès de son père quand elle était enfant. Un décès qui était selon elle, une délivrance, son père ayant souffert d'un cancer depuis qu'elle avait 2 ans. La trop grande distance émotionnelle face à cet événement douloureux, ainsi que l'étonnement de la personne à s'entendre parler du décès de son père, a orienté notre travail.
Lors d'un troisième entretien, elle a confié qu'elle n'avait pas assisté au décès de son père, sa mère l'ayant écartée dès l'annonce de la fin, et elle n'avait pas non plus été présente à son enterrement.
Parler a permis à cette personne de prendre conscience que ce résident lui rappelait son père, et qu'elle n'avait pas, malgré le temps passé, fait le deuil de son père. Ceci expliquait ses difficultés face au décès de ce résident. Mon travail a pris fin après cette prise de conscience et j'ai orienté cette salariée, à sa demande, vers un autre professionnel.