Avec le vieillissement de la population les besoins en psychiatrie de la personne âgée augmentent. Depuis 2005, une filière de gérontopsychiatrie se développe mais doit se structurer, être mieux identifiée, coordonnée et développée dans ses modalités d'intervention.
Une discipline en développement : la gérontopsychiatrie
L'avancée en âge est un moment déterminant pour les troubles psychiatrique. En effet les personnes âgées sont particulièrement exposées aux risques de dépression et de souffrance psychique. 8 à 20% des personnes âgées vivant au sein de la communauté et 37% de celles qui reçoivent des soins souffrent de dépression (OMS). En île de France par exemple, les personnes de plus de 70 ans ont 1,8 fois plus de risques d'être dépressifs légers que la tranche d'âge de 30 à 49 ans.
D'autres chiffres sont éloquents : 10400 personnes décèdent par suicide chaque année en France avec un taux de mortalité progressant avec l'avancée en âge; les cas d'Alzheimer et troubles apparentés liés à l'âge devraient doubler d'ici 2030 et tripler d'ici 2050.
Comment s'adapter aux besoins présents et futurs ?
Les moyens consacrés à la psychiatrie, en terme de structures d'hospitalisation, sont insuffisantes et inégalement réparties. De puissants cloisonnements existent entre les différentes spécialités médicales, entre les libéraux et les hospitaliers, entre le système de soins et les services sociaux. Aller vers une approche globale et un dispositif ayant une meilleure fluidité tout en développant la prévention sont parmi les objectifs prioritaires inscrits dans le dernier Plan Psychiatrie Santé Mentale 2011-2015.
Structurer l'offre régionale est donc un impératif entre les réseaux de soins gérontologiques et les établissements privés ou publiques. C'est dans cet esprit que s'inscrit l'ouverture au dernier trimestre 2013 de la Maison de santé de Rochebrune à Garches, un établissements de soins spécialisé dans la prise en charge des affections somatiques et psychiques du sujet âgé. Cette clinique gérontopsychiatrique a un caractère innovant car elle fédère un pôle d'expertise et de compétences dans le grand ouest parisien, se constituant comme un centre d'expertise de proximité et un centre ressource venant en appui des filières de soins psychiatriques et gériatriques.
Pour un professionnel en Ehpad quels sont les signes annonciateurs et quand décide-t-on du transfert d'une personne vers une clinique géronto-psychiatrique ?
Docteur Cléry-Melin: Les signes annonciateurs peuvent varier, de l'agitation maniaque à la stupeur mélancolique en passant par les états d'anxiété ou les états confusionnels, les délires hallucinatoires... Bref toute décompensation psychiatrique en lien ou non avec un état somatique perturbé ou des troubles cognitifs majorés. Dans ces cas-là, l'orientation vers Rochebrune constitue une réponse adaptée, où un diagnostic pourra être réalisé par l'équipe pluri-disciplinaire et un traitement adapté mis en oeuvre.
Pour le médecin coordonnateur, comme pour un professionnel en ville, l'hôpital de jour géronto-psychiatrique évaluera les principales composantes fonctionnelles, physiques, psychiques et cognitives du patient, et recherchera les pathologies susceptibles d'en être responsables. Ainsi pourront être mises en évidence, à un stade précoce, des pathologies liées au vieillissement (cataracte, DMLA, malnutrition, trouble de l'audition, de l'humeur, fonte musculaire ou sarcopénie, déclin cognitif...), là où il sera encore possible d'intervenir. L'hôpital de jour géronto-psychiatrique permet de rechercher les causes de fragilité, de proposer un plan d'interventions personnalisées adaptées à la situation clinique, d'organiser un programme personnalisé de rééquilibrage nutritionnel, d'activités physiques appliquées, et d'assurer un suivi des interventions en lien avec le médecin traitant. La mise en place d'une telle structure implique l'organisation en amont et en ville du repérage de la population âgée fragile, en appui sur le médecin traitant et les professionnels du domicile.
L'hôpital de jour géronto-psychiatrique a par ailleurs pour mission de faciliter l'accès à des programmes de recherche ciblés sur la prévention de la dépendance et la mise au point de bio-marqueurs, ainsi que de pistes thérapeutiques pour les pathologies liées au vieillissement à un stade débutant. Outre la lutte contre la poly-médicamentation, le repérage et le traitement de pathologies passées inaperçues (addictions, co-morbidités), la prise en charge devra être multi-domaine pour être véritablement efficace. En effet, face à l'enjeu de la dépendance, la solution ne sera pas que médicamenteuse. Elle devra associer les effets essentiels de la pratique d'exercice physique, cognitif, de la nutrition, pour ne citer que quelques exemples. L'e-santé doit également être associée, afin de permettre le suivi de patients à distance, notamment en EHPAD.
Quelle est la durée moyenne d'un séjour et que s'y passe-t-il ? Quand intervient le retour en Ehpad ?
Docteur Cléry-Melin: Les hospitalisations à temps plein ont vocation à être aussi courtes dans leur durée que la prise en charge se veut dynamique et axée sur le rétablissement de la personne âgée et son retour au domicile (ou en EHPAD). La durée moyenne est de 4 à 5 semaines et ne devrait pas excéder 6 semaines. Pour éviter les conséquences néfastes d'une hospitalisation trop prolongée, génératrice trop souvent de régression et d'aggravation de la dépendance, l'indication de l'hospitalisation à Rochebrune est étudiée en amont par l'équipe pluridisciplinaire, de manière à s'assurer du bénéfice/risque optimal pour la personne, le déroulement du séjour et la préparation à la sortie qui est engagée dès l'entrée et accompagnée par des personnels dédiés et spécialement formés (infirmiers coordonnateurs de parcours, ergothérapeutes, assistantes sociales) pendant le séjour, au moment de la sortie et après la sortie pour effectuer la liaison avec les structures médico-sociales et sociales pour réussir le retour réussi de la personne à son domicile ou en EHPAD.
La nouvelle clinique de Rochebrune entend s'intégrer dans le maillage territorial. Quels liens sont prévus pour repérer et orienter les personnes âgées qui ont besoin de soins gérontopsychiatriques ?
Docteur Cléry-Melin: Le projet de Rochebrune est un projet territorial de santé. Il s'inscrit dans le cahier des charges des projets-pilotes PAERPA, avec cette particularité de pouvoir suivre des patients bien avant 75 ans, la géronto-psychiatrie pouvant être sollicitée dès l'âge de 60 ans, compte tenu de la fréquence des poly-pathologies précoces de l'âge avancé, des antécédents psychiatriques, des handicaps d'origine psychique. A ce titre il a vocation à travailler avec l'ensemble des acteurs du territoire de santé, avec lesquels il établira des conventions de partenariat. La logique de parcours ouvre l'établissement à " l'avant-pendant-après " le temps d'hospitalisation, l'hôpital de jour conjuguant les missions de prévention, diagnostic précoce, soins, évaluation, orientation, accompagnement du parcours en lien avec le médico-social et les acteurs du domicile, coordonnant ainsi la prise en charge individualisée du patient. La prise en charge des familles et des aidants, l'éducation thérapeutique des patients et de leurs proches, sont des missions essentielles pour la réussite des parcours personnalisés de santé.
Note : L'interview complète (trop longue pour intégrer le magazine papier) du Docteur Philippe Cléry-Melin sera téléchargeable gratuitement à partir de la newsletter de fin décembre sur inscription de votre nom et email.