L'enquête UFC-Que choisir parue dans le hors-série trimestriel Que choisir laisse perplexe. D'un côté, la pédagogie est au rendez-vous, de l'autre la méconnaissance du secteur et les partis pris de l'échantillon produisent quelques erreurs propres à renforcer les aprioris des familles et des personnes âgées. Réactions de certains chefs de file du secteur.
Une information qui pose question
Claudy Jarry, président de la FNADEPA
Malgré une métrologie très contestable, ce type d'enquête met en lumière dans le temps, les avancées d'un secteur dynamique et inventif dans un contexte de contraintes économiques fortes. En effet, les enquêteurs utilisent des logique et outil peu appropriés à un lieu de soin. Jugerait-on un hôpital sur la qualité des repas?? Étant donnée la perte d'autonomie élevée en Ehpad, l'essentiel se passe loin du regard de l'enquêteur. Il se passe dans la chambre du résident, pendant les soins, les repas, la nuit...
Il faut relativiser la portée de ces enquêtes. Les Ehpad sont habitués aux contrôles?: évaluation interne, évaluation externe, audits divers... sans oublier la légitime vigilance des familles. Compte tenu des financements, la qualité est plus qu'honorable dans le secteur public et privé associatif. Dans le privé commercial, c'est davantage une logique de rapport qualité/prix. Dans tous les cas, nous pouvons souffrir sans blêmir, les comparaisons sur les aspects prix-prestations avec le secteur de l'hôtellerie par exemple?! D'une façon générale, même si le taux d'encadrement est largement insuffisant, au regard de leurs moyens, les Ehpad ont parcouru un chemin considérable ces dernières années en terme de qualité. Ainsi, malgré une insuffisance unanimement reconnue de financement public, le personnel peut relever la tête et se montrer fier du travail accompli 7 jours /7, 24h/24 auprès de personnes âgées aux besoins et attentes de plus en plus complexes.
Didier Sapy, directeur de la FNAQPA
Certains adhérents ont réagi devant cette enquête. Pourtant, nous n'avons pas à être d'accord ou pas avec la démarche de Que choisir?? C'est un peu comme si les restaurateurs se plaignaient de la visite des critiques gastronomiques...
Il existe un cadre réglementaire précis (CASF) qui définit les missions et les moyens des établissements et le contrôle par la puissance publique. Mais si les textes répondent aux besoins des résidents, la logique consumériste porte elle sur leurs attentes?: gîte, couvert, vie sociale... Là sont les centres d'intérêt des personnes âgées... lesquelles sont les principaux financeurs. Nous avons à prendre en compte ces attentes et penser autrement qu'en termes de soins.
Je regrette que 20?% des Ehpad concernés par l'enquête n'aient pas laissé entrer les visiteurs. Refuser les visites, c'est créer de la suspicion. Les structures ont fait un travail considérable et elles doivent le montrer. Un Ehpad sur deux ne cherche pas le consentement lors de la première visite. Cela signifie qu'un Ehpad sur 2 le recherche?! C'est rassurant.
7?% des Ehpad facturent des frais pour l'incontinence. C'est à la fois peu et trop?! Et c'est normal de dénoncer cet abus. Je pense que beaucoup de gens ne font pas leur travail?: les directeurs des établissements concernés mais aussi les autorités de contrôle...
Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du Synerpa
C'est un très bon travail, bien structuré, pédagogique et les enquêteurs ont bien fait leur travail?: chambre, locaux... Toutefois, l'article n'est pas totalement objectif et il y a un parti pris "anti-privé"... peut-être parce que la journaliste a un de ses parents dans un Ehpad privé commercial et qu'elle en souffre. Ce parti pris est paradoxal car la moitié des établissements notés 3 étoiles sont des établissements privés (commercial ou associatif).
Je suis étonnée par le discours sur les tarifs. On ne peut pas comparer les tarifs de la Bretagne et ceux de Paris?! L'article dit aussi que le privé fixe ses tarifs librement, mais ne mentionne pas du tout les contraintes du secteur privé ni les avantages du secteur public?: aide PAI, CNSA, don de terrain, baux emphytéotiques, sans parler de l'impossibilité de rénovation du bâti, du fait de tarifs trop bas dans le secteur public. Je regrette que cela n'ait pas été rappelé dans l'article car ce sont des éléments totalement objectifs.
Cela étant dit, la mise en perspective des résultats de cette enquête avec celles de?2007 et?2000 corrobore la position du Synerpa?: le secteur s'est grandement modernisé et structuré.
Joël Riou, président de Responsage
Plateforme multimédia d'orientation et de conseil pour les salariés aidants d'un parent âgé.
L'enquête souligne combien les familles méconnaissent le fonctionnement des Ehpad. Chez Responsage, nous nous rendons compte chaque jour à quel point elles sont perdues devant la double tarification ou les listes d'attente... Le fait est que les familles, anticipant rarement l'entrée en maison de retraite, ont tout à découvrir.
Responsage, dans ses réponses écrites personnalisées, effectue un travail pédagogique. Nous invitons les familles à visiter les établissements, à venir y déjeuner, à se renseigner sur la formation des équipes ou sur un éventuel conventionnement avec un hôpital ou une EMSP. Nous expliquons les tarifs, les dépenses prises en charge (ex?: les produits d'incontinence), les modes de financement, le rôle de la commission d'admission, la réévaluation du GIR à l'entrée, les certifications (l'article n'est pas rigoureux sur ce sujet)... Nous orientons vers les établissements compatibles avec le budget, la pathologie ou les habitudes de vie, sauf si les établissements en crise ou en grève au moment de l'appel. L'enquête de Que Choisir va nous aider à alerter les aidants salariés sur certains points clés.
Les Ehpad et spécifiquement ceux du privé ont un énorme travail de communication global à entreprendre pour améliorer leur image. Plutôt que de se positionner comme une citadelle assiégée par des journalistes ou des enquêteurs "inquisiteurs", le secteur privé commercial doit prendre conscience qu'il y a un chantier de pédagogie et d'ouverture à démarrer dès que possible. Alors que les budgets des familles et personnes âgées sont serrés, les Ehpad ont tout intérêt à jouer la transparence. Autant qu'à des aidants inquiets et fatigués, c'est à des consommateurs avertis qu'ils auront de plus en plus affaire et cela notamment grâce à l'action d'information de Responsage.