Les résultats de l'enquête No bed night prouvent la perte de chance chez les personnes âgées passant une nuit aux urgences sur un brancard par rapport à celles « bénéficiant » d'un lit d'hospitalisation.
Une nuit sur un brancard aux urgences augmente de 40% le risque de mortalité chez les plus de 75 ans
L'étude avait déjà été annoncée. Elle est parue ce 6 novembre dans la prestigieuse revue Jama International medicine et fait grand bruit ! Elle rend compte d'une enquête baptisée No bed night menée dans 97 services d'accueil des urgences en France entre le 12 et le 14 décembre 2022.
Tous les patients de plus de 75 ans devaient être recensés, analysés et répartis en deux groupes :
- ceux hospitalisés dans un service d'hospitalisation (incluant les unité d'hospitalisation de courte durée- UHCD), avant minuit le lundi 12 ou le mardi 13 décembre ;
- ceux ayant passé une période entière minuit-8h sur un brancard aux urgences.
L'enquête a inclus un total de 1 598 patients de plus de 75 ans (âge médian 86 ans).
Les résultats montrent qu' « une nuit passée sur un brancard aux urgences augmente de près de 40 % le risque de mortalité hospitalière, qui passe ainsi de 11,1 % à 15,7 %», résume, pour Libération, le Pr Yonathan Freund de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, qui a coordonné ce travail avec la Dr Mélanie Roussel du CHU de Rouen. Et ce, « après avoir pris en compte les comorbidités et la gravité initiale des patients ».
Pour illustrer ces chiffres, il apparait que si tous les patients de cette étude avaient pu être admis avant la nuit dans une chambre d'hospitalisation, 3% des décès auraient pu être évités.
Et derrière les chiffres, il y a la sombre réalité : « l'angoisse, le fait de rester des heures seul, souvent sans boire ni manger, c'est cela qui aggrave la situation. Et qui est la cause de cette surmortalité très élevée », commente le professeur de médecine d'urgence.
Des mesures doivent être prises pour éviter autant que possible cette surmortalité, et l'objectif de « zéro lit brancard » aux urgences en particulier pour les patients de plus de 75 ans doit être considéré comme un objectif de santé publique.
A noter : dans son article, Libération renvoie à un témoignage recueilli par La Croix, il y a un an, de la grande résistante Madeleine Riffaud, 98 ans, restée sans manger 48 heures sur un brancard aux urgences. Près de 50 ans après, l'ancienne journaliste y rappelle son célèbre livre « Les linges de la nuit ». De retour du Vietnam où elle avait été correspondante de guerre, elle avait endossé incognito la blouse blanche de fille de salle dans un hôpital. Un témoignage bouleversant vendu à million d'exemplaires en 1974 ! Il a été réédité par Michel Lafon en 2021, enrichi des témoignages du personnel soignant pendant la crise sanitaire...