La Fondation Travailler Autrement présente, en partenariat avec le Diot Siaci Institute, institut de recherche et de réflexion du Groupe Diot-Siaci, l'édition 2024 de son étude sur les Invisibles, réalisée par Occurrence auprès de près de 5 000 répondants.
Une photo des « travailleurs invisibles » confirme une accumulation de contraintes
Ils sont agents d'entretien, aides à domicile, caristes, aides-soignantes, vigiles, livreurs, éboueurs, caissières ou encore ouvriers agricoles, et représentent 11 millions de travailleurs.
La Fondation Travailler Autrement leur consacre une nouvelle étude titrée « Les Invisibles, des vies sous contraintes ».
Grâce à sa robustesse statistique, cette étude zoome très finement sur le quotidien des Invisibles : leurs conditions de travail, leur vie personnelle et familiale, leur environnement économique et social. Ces difficultés du quotidien conduisent à une forme de décrochage du reste de la population active française (appelée "les autres actifs"), avec un facteur de vulnérabilité aggravant (et qui s'aggrave) : la monoparentalité comme facteur de vulnérabilité
L'étude conclut à des contraintes qui s'accumulent :
- de temporalité qui empêchent d'être maître de son temps. La moitié d'entre eux travaille le samedi, et le quart en horaires décalés et morcelés, sans pouvoir pour 25% d'entre eux prendre une pause à leur gré ;
- de pénibilité qui entraînent une vie professionnelle difficile et une vie personnelle inexistante. 84% d'entre eux identifient un risque professionnel, et seul 1 Invisible sur 4 se sent en capacité d'exercer son activité jusqu'à la retraite ;
- de précarité arbitrant une vie au centime près. Ils vivent avec 32% de salaires en moins que les autres actifs, et doivent en conséquence renoncer à des soins de santé et à des petits plaisirs ; pire, 13% d'entre eux ne parviennent pas à subvenir aux besoins primaires du foyer ;
- de parentalité qui raisonnent pour les parents, s'agissant de familles où le nombre d'enfants et, simultanément, les situations de monoparentalité sont plus élevés que la moyenne. Près de 3 Invisibles sur 4 sont en effet parents, le plus souvent avec au moins un enfant mineur à charge, ce qui implique davantage d'absentéisme et une plus grande difficulté à conjuguer vie professionnelle et rythme scolaire ;
- de territorialité freinant leur mobilité. La majorité des Invisibles se rendent au travail en voiture, une solution de mobilité qui n'est pas idéale lorsque l'on sait qu'ils sont moins de la moitié à faire le plein quand ils vont à la station essence ;
- d'utilité : une vie utile mais pas reconnue. S'ils se sentent en grande majorité utiles pour la société, 1 sur 3 ne ressent pas de reconnaissance professionnelle.
L'un des trois zooms de l'étude porte sur les personnes du soin, du lien et de l'éducation avec « l'espoir d'une reconnaissance ? », interroge le titre. Elles représentent 49% de la population d'Invisibles, et 17,9% de la population active occupée. Cette population est à majorité féminine et plutôt diplômée. Elles gagnent 2% de plus que la moyenne des Invisibles - bien que cette moyenne cache évidemment d'importants écarts entre certaines catégories -, mais 25% de moins que les autres actifs. Le revenu de leur foyer est souvent plus élevé que celui des Invisibles, ce qui oblige à moins d'arbitrages et de sacrifices mais reste une source de frustration (à 53%). Elles sont une majorité à utiliser la voiture pour se rendre au travail, et parviennent plus souvent que les autres Invisibles à faire le plein à la pompe à essence.
La pénibilité au travail renvoie ici plutôt à la charge mentale et émotionnelle inhérente à leurs métiers, mais elles parviennent à s'accorder des moments de décompression malgré tout (69% ont pu partir en week-end ou en vacances ces 12 derniers mois) et sont aussi moins isolées que les autres.
Leur rythme est centré autour de la famille : le quart de leurs absences au travail se justifie par la garde d'enfant. Enfin, les « Personnes du soin, du lien et de l'éducation » se sentent toutes utiles et aiment leur profession mais elles attendent davantage de reconnaissance.