Tous les voyants sont au rouge selon le rapport annuel de la Cour des Comptes sur la Sécurité sociale : le médico-social, et les Ehpad en particulier, explosent tous les compteurs en matière d'accidents de travail ou de maladies professionnelles.
Une sinistralité « hors norme » dans les Ehpad
Comme chaque année, le rapport annuel de la Cour des comptes sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, présenté au Parlement le 4 octobre par son président Pierre Moscovici a choisi d'enquêter sur des thématiques particulières. Et pour cette édition 2022, elle s'est entre autres penchée sur la « sinistralité hors norme » dans le médico-social en matière d'accidents du travail, et en particulier dans les Ehpad.
3,5 millions de journées perdues en 2019
Le secteur médico-social se caractérise par un nombre de journées de travail perdues du fait d'accidents de travail ou de maladies professionnelles (AT-MP) trois fois supérieur à la moyenne constatée pour l'ensemble des secteurs d'activité en France. Ce nombre a ainsi atteint 3,5 millions en 2019, en augmentation de 41 % par rapport à 2016 et il correspond à 17 000 postes équivalents temps plein (ETP) par an. C'est dans les structures du secteur privé commercial pour personnes âgées que le nombre de jours d'absence et la progression de 2016 à 2019 sont les plus élevés : 9,9 jours d'absence par ETP avec une évolution de + 46 %.
La sinistralité moyenne des Ehpad, des maisons d'accueil spécialisé (MAS), des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) et des services polyvalents d'aide et de soins à domicile (Spasad) est elle-même trois fois supérieure à celle des autres ESMS. Elle frappe particulièrement les aides-soignantes.
La Cour a établi pour les Ehpad, un lien statistique clair entre d'une part la fréquence des AT-MP et d'autre part le taux d'encadrement, qui rapporte le nombre de soignants à celui des personnes prises en charge. Ce constat rejoint celui qu'elle a formulé récemment sur le manque persistant de personnels qualifiés, situation qui met donc en cause la qualité de la prise en charge des résidents et la santé des agents.
La Cour a également constaté qu'un établissement intégré avec d'autres dans un regroupement public ou privé d'ESMS connait une moindre fréquence d'AT-MP et rencontre moins de difficultés pour recruter.
« Cette situation appelle l'engagement d'un ensemble d'actions mobilisant les différentes parties prenantes », conclut la Cour des Comptes qui fait cinq recommandations.
Cinq recommandations
1- Publier l'arrêté rendant obligatoire pour les employeurs publics la déclaration des accidents de service et maladies professionnelles à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) ainsi qu'à la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam) afin de faciliter la coordination de la prévention des risques professionnels dans l'ensemble du secteur médico-social.
2- Élaborer des indicateurs de ratios de personnels soignants requis dans les ESMS et rendre obligatoire la publication pour chaque établissement du niveau atteint par ces indicateurs.
3- Structurer dans le cadre des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) une politique régionale de maîtrise du risque professionnel dans les ESMS publics et privés.
4- Mettre en place progressivement une tarification AT-MP tenant compte du niveau de risque par catégories d'ESMS et, le cas échéant, par établissement.
5- Élaborer des recommandations sur la prévention et la santé au travail des aides-soignantes, accompagnants éducatifs et sociaux, et leurs faisant fonction, exerçant dans les ESMS.