En accueillant un jeune dans leur logement, les personnes âgées, même très dépendantes, peuvent rester à domicile. L'association Le Pari solidaire, pionnière du logement intergénérationnel, montre les triples bénéfices de la cohabitation intergénérationnelle : convivialité et sécurité ou complément de revenu pour les âgés, réponse à la pénurie et au coût du logement pour les jeunes, économies pour les pouvoirs publics. Une solution 100% durable qui complète astucieusement l'offre d'hébergement en établissement.
une solution, deux bénéficiaires... voire plus !
"Je vais trop bien pour aller dans une maison de retraite!" "Je veux rester dans mon appartement mais je ne reçois pas de visites." "Mon père pourrait rester vivre chez lui mais il a peur de tomber et de rester seul. Toutefois je ne l'imagine pas un instant en maison de retraite." Ces phrases, les directeurs d'EHPAD ou de logements-foyers, les travailleurs sociaux des CCAS et autres CLIC, les familles aussi, les entendent. Face à cette demande de lien et de présence sécurisante la nuit, tous se trouvent démunis. Pourtant, depuis dix ans, une solution souvent méconnue apporte une réponse pertinente: le logement intergénérationnel. La formule est simple: la personne âgée disposant d'une chambre libre accueille chez elle un jeune, étudiant ou travailleur de 18 à 30 ans, en échange d'heures de présence préalablement définies et des échanges conviviaux.
Deux formules existent :
- la formule "solidaire" : le logement gratuit et une présence du jeune le soir et la nuit
- la formule "conviviale" : le jeune paie une indemnité d'occupation d'environ 450 €. Il n'a pas d'obligation de présence mais se doit d'être dans un esprit de partage et d'ouverture.
Pionnier de cette belle idée, l'association le Pari solidaire (Groupe SOS). Créé en 2004 par Aude Messean et Bénédicte Chatin, Le Pari Solidaire nait de la canicule de 2003. "La canicule a révélé la solitude des personnes âgées, se souvient la pionnière. Il fallait réagir. Nous nous sommes inspirées d'une idée portée par la banque espagnole Caixa. A l'époque, c'était un pari de faire cohabiter des personnes qui ont parfois jusqu'à 80 ans d'écart d'âge..." Soutenue par la région Ile-de-France, qui voit là une solution de logement pour les jeunes, l'association vole vite de ses propres ailes avant de rejoindre il y a 2 ans le groupe SOS.
Dix ans après, Le Pari Solidaire, qui fréquente gériatres, Clic et autres Ehpad pour faire connaître son offre, a déjà mis en oeuvre 2 400 binômes. Ces binômes sont créés par l'association au terme d'entretiens réalisés chez la personne âgée par des travailleurs sociaux, en présence d'un référent de la famille. Il s'agit d'abord d'évaluer si l'état de la personne autorise la cohabitation. Ces pertes de mémoire, ces questions répétées sont-elles dues à une fatigue passagère ou sont-elles les signes d'une maladie neurodégénérative?
La perte d'autonomie physique est plus compatible avec le projet. "La personne âgée peut être en GIR 1 ou 2 si la prise en charge des soins et du quotidien est bien pensée", précise celle qui a entre-temps créé le réseau COSI (26 associations de logement intergénérationnel). "Ainsi nous avons constitué, avec l'accord de l'assistante sociale, avec une dame invalide et une étudiante mexicaine. La dame qui disposait d'une chambre avec terrasse au coeur de Paris, bénéficiait de 16 heures d'assistance par jour. Il manquait une présence rassurante la nuit. De son côté la jeune fille ne parlait pas français. Elle a trouvé un logement et une opportunité d'apprendre le français." Attention toutefois: la présence amicale d'un jeune au côté du senior ne saurait se substituer aux services de soutien à domicile existants ou qui seraient nécessaires. Le jeune, même s'il suit des études médicales, ne prodigue aucun soin : il ne donne pas de médicaments, ne participe pas à la toilette ou à l'habillage. Et l'idée n'est pas non plus de décharger la famille de ses obligations de visites ou de son devoir d'assistance...
Dans la constitution des binômes, le sujet le plus délicat n'est pas l'appréciation de la pathologie. "Il faut évaluer la viabilité de la cohabitation car chacun des deux doit y trouver son compte, poursuit Aude Messéan. Les familles nous renseignent rarement sur l'état de santé de leur parent. Et nous n'avons pas accès au dossier médicaux. L'idéal serait que le médecin-traitant puisse délivrer un certificat d'aptitude à vivre en binôme." A noter que l'équipe s'est encadrée de professionnels. Ainsi elle travaille de près avec les centres AGIRC-ARRCO, le Centre Popincourt pour la prévention du risque de suicide... et fait le cas échéant les signalements utiles.
Repéré par les pouvoirs publics comme acteur innovant, consulté dans la concertation préalable à la Loi Autonomie, Le Pari Solidaire pointe les économies faites par la CAF et la CPAM: pas d'APL à verser car le logement est gratuit, réduction des durées d'hospitalisation puisque le retour est sécurisé par la présence du jeune. Il intéresse les bailleurs sociaux car il oeuvre pour une meilleure occupation des logements. Les personnes âgées occupent souvent des appartements trop grands et un déménagement n'est pas envisagé car il pourrait être fatal.
Le Pari solidaire n'a pas fini d'innover. Lorsque les appartements sont trop petits pour accueillir une jeune, les bailleurs sociaux peuvent mettre à disposition des studettes. Disposant d'un logement indépendant, les jeunes consacrent une partie de leurs temps à rendre visite aux personnes âgées souvent esseulées. Ici un dîner chez cette dame de 88 ans, là une partie de dominos avec ce monsieur de 77 ans... et parfois aussi, un tour à la journée Portes ouvertes de l'Ehpad voisin. En toute convivialité.
En savoir plus
www.leparisolidaire.fr
www.reseau-cosi.com (26 associations)
Réseau sélectionné parmi les 15 associations de la mesure Présidentielle " La France s'engage"
Réseau LIS : Logement intergénérationnel et solidaire - Paris - Rouen - Bordeaux -
http://www.logementintergeneration.org
Charte 1 toit, deux générations : www.1toit2generations.com/charte.pdf