Une thèse de doctorat sur « Composer avec la mort à venir » en Ehpad
La Plateforme nationale pour la recherche sur la fin de vie répertorie les thèses de doctorat sur la fin de vie. En 2023, la chercheuse en socio-anthropologie (Lyon II) Catherine Maurize a soutenu une thèse sur le thème « Composer avec la mort à venir : Une ethnographie des épreuves en Ehpad (2016-2021) »
Sa recherche, explique-t-elle dans son résumé, est née d'un questionnement ancré dans son expérience professionnelle des impasses d'une action publique en direction des personnes de grand âge, désincarnée et décontextualisée. L'enjeu est d'aborder de façon renouvelée la question de l'accompagnement en Ehpad.
Ainsi la thèse interroge l'attention socialement et professionnellement accordée aux épreuves de la fin de la vie et de la mort à venir, entre chronos et kaïros , à partir d'une sociologie de l'action située, pour documenter l'expérience de l'institutionnalisation au fil des épreuves traversées.
Une enquête ethnographique a été menée dans deux établissements, autour du déploiement des malentendus entre résident.es et professionnel.les, malentendus saisis comme des dilemmes pratiques et éthiques.
L'approche compréhensive, dans le temps long de l'immersion, a permis de suivre les professionnel.les et les résident.es au quotidien, par une enquête attentive aux situations sensibles et aux troubles dans la relation d'aide et de soin.
Ce faisant, la thèse interroge le travail d'institutionnalisation de la mort à venir, régie par des normes spécifiques, entre des conditions ordinaires d'existence, des pratiques d'accompagnement codifiées et un statut de défunt socialement défini.
La mort, même si elle apparaît niée institutionnellement, ne peut pas être niée concrètement par les professionnel.les qui y sont régulièrement confronté.es. L'enjeu consiste en définitive à faire tenir les résidentes, les résidents et le collectif professionnel.
En ce sens, la recherche s'intéresse au travail, fondé sur l'implicite, qui permet un ajustement au cours des choses sans que la mort en tant que telle n'apparaisse dans le régime ordinaire de l'action. Elle propose également un suivi ethnographique des dispositions institutionnelles, éthiques, pratiques qui se font jour, notamment autour de la mémoire des résident.es. L'institutionnalisation se déploie, comme une situation liminale, de laquelle émerge une interdépendance entre un « éprouver » et un «agir» en contexte vulnérable, ce qui caractérise la spécificité de l'expérience-Ehpad.
Une expérience dont elle écrit dans sa conclusion qu'elle institue « une autre allure de vie » qui exige d'être repensée, « dans une perspective de dignité et de décence, à l'aune d'une recomposition de l'accompagnement de la fin de la vie et de la mort à venir ».