Implanté au pied de la montagne Sainte-Victoire en Provence, l'Ehpad le Château de Beaurecueil déploie, avec un groupe d'agents volontaires formés au développement durable, un vaste plan de rénovation énergétique et de réduction de ses déchets.
Urgence climatique et inflation énergétique : le vaste projet d'un château du XVe siècle
Entre Aix-en-Provence et Marseille, dans un petit village cher à Paul Cézanne, le Château de Beaurecueil héberge 97 personnes âgées, en perte d'autonomie. Cet établissement accueillait autrefois des pupilles de la Nation et d'anciens militaires. En 2018, il est devenu Ehpad public autonome communal, en partie installé dans un château du xve siècle, forcément énergivore. Or, il est soumis au respect du décret tertiaire de la loi Elan (évolution du logement, de l'aménagement et du numérique) qui vise une diminution de la consommation énergétique des parcs tertiaires français d'au moins 40 % à l'horizon 2030. Alice Moreau, diplômée du DU Développement durable en santé de l'université de Montpellier, en a pris la direction en 2018. Face à l'urgence climatique et à l'inflation énergétique, elle a engagé l'établissement dans un projet d'amélioration écologique.
Isolation pour zéro euro
Rapidement déployé après son arrivée, ce plan démarre par le plus urgent : la rénovation énergétique des bâtiments. « Nous avons isolé l'intégralité des combles, des sous-sols et des canalisations, pour zéro euro, grâce aux crédits CEE », relate Alice Moreau. En parallèle, les huisseries ont peu à peu été changées et des volets solaires installés. « Ça ne coûte pas plus cher et ça fonctionne très bien. Un capteur solaire rend les volets autonomes », témoigne la directrice. Ces actions ont permis d'absorber la hausse des dépenses énergétiques associées à l'installation d'une climatisation dans les parties communes.
Quelle alternative pour le chauffage au fioul ?
Mais il reste encore beaucoup de travail. Un bilan GES, un bilan énergétique et une étude approfondie préconisent de stopper le chauffage au fioul. Plusieurs alternatives sont à l'étude : installation d'une pompe à chaleur air-air, de 400 panneaux photovoltaïques au sol sur le terrain ou d'un système de géothermie. « Nous réfléchissons aussi à une solution de réseau de chaleur à plaquette de bois avec la mairie », précise Alice Moreau.
Ces « nudges » peu efficaces sur les interrupteurs
Dans sa réflexion, Alice Moreau est accompagnée par un groupe d'agents volontaires (ASH, aides-soignants, infirmières, assistants, responsables techniques...) formés au développement durable. Associer les équipes est important, entre autres parce que les économies d'énergie passent par leurs petits gestes quotidiens, pas toujours faciles à adopter. Le Château de Beaurecueil a ainsi opté pour des « nudges » sur les interrupteurs, ces dessins incitatifs censés pousser les utilisateurs à éteindre la lumière. Ils se sont avérés inefficaces. « Les détecteurs de présence dans les parties communes fonctionnent mieux. »
Le piège des subventions
L'établissement a par ailleurs remplacé les néons par des LED et changé les robinets pour leur adjoindre des mousseurs et ainsi économiser l'eau. Une opération gratuite, réalisée grâce à des subventions. Attention cependant aux financements qui, paradoxalement, peuvent pousser à la consommation, prévient Alice Moreau : « Nous sommes en permanence harcelés par des prestataires qui nous incitent à changer tous les ans les robinets, plutôt que de les nettoyer au vinaigre blanc. »
97 bouteilles en plastique par jour
Un autre grand chantier occupe Beaurecueil : la réduction des déchets. « Nous avions 97 bouteilles en plastique par jour », indique Alice Moreau qui a voulu mettre un terme à cette pratique. L'opération a pris du temps pour changer les habitudes et opter pour des pichets isothermes et des fontaines à eau. L'Ehpad a aussi structuré le tri et le recyclage : cartons, conserves, papiers... « Nous avons adapté les charriots sur chaque poste de travail et ça marche plutôt bien. » En parallèle, une filière de recyclage pour les masques et les mégots a été mise en place ainsi que des composteurs pour les déchets alimentaires, également consommés par des poules.
Un éco-digesteur de couches en test
« De façon expérimentale, nous testons, depuis avril 2022, un éco-digesteur des couches des résidents qui représentent le tiers de nos déchets. Nous voulons réduire la part de nos déchets enfouis », ajoute Alice Moreau. À terme, ces déchets broyés et transformés en boulettes de papier mâché pourraient servir à fabriquer des matériaux isolants. « Mais la machine est souvent en panne. » Une belle idée, mais qui doit encore mûrir sur le plan technologique.
« Assiettes petits princes » pour petits mangeurs
Enfin, après un diagnostic poussé du gaspillage alimentaire, l'Ehpad tente de mettre en oeuvre la loi Egalim. « L'étude a montré que nous gaspillons environ 30 % de nourriture, comme la plupart des établissements médico-sociaux », note Alice Moreau. Un travail a été engagé : les petits mangeurs peuvent désormais opter pour des « assiettes petits princes » et les bons appétits pour des « assiettes royales ». « Nous allons passer en régie pour la restauration et gagner des marges de manoeuvre », complète Alice Moreau. Parmi les pistes à l'étude pour limiter le gâchis du pain : faire goûter aux résidents différents petits pains à la farine biologique ou labellisés, « en petite quantité, mais meilleurs ». L'établissement sert aussi désormais deux repas bio par semaine et quatre repas végétariens le soir. « Si c'est bon, cela ne pose aucun problème. »
À rebours du tout hygiène
Dernier volet de ce plan de développement durable : les produits ménagers. L'établissement investit dans des produits Ecocert pour le sol, du bicarbonate de soude et de l'acide citrique pour les sanitaires et d'efficaces chiffons en microfibre. « Nous supprimons peu à peu la désinfection des meubles des résidents dans les chambres. Il faut vraiment argumenter, car nous sommes à rebours du tout hygiène ! »