Adoptée à la suite d'une consultation publique, la recommandation de la Cnil rappelle que les Ehpad ne sont pas censés installer des dispositifs de vidéosurveillance dans les chambres des résidents, sauf circonstances exceptionnelles liées à une suspicion de maltraitance.
Vidéosurveillance dans les chambres d'Ehpad : le oui très restrictif de la Cnil
À la suite de la médiatisation de cas de maltraitance au sein d'Ehpad, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a été saisie de plusieurs demandes de conseil concernant l'installation de dispositifs de vidéosurveillance dans les chambres des résidents.
Afin de répondre à ces préoccupations, elle a soumis un projet de recommandation à une consultation publique en 2023 qui lui a permis d'enrichir la recommandation définitive qu'elle vient de mettre en ligne ce 2 mai.
Cette recommandation précise les conditions cumulatives qu'un établissement doit remplir, avec pour seul objectif d'assurer la sécurité des personnes hébergées, seulement :
- En cas de suspicion étayée de mauvais traitements (hématomes constatés, changements comportementaux, etc.) malgré les dispositifs alternatifs mis en place pour assurer la sécurité des personnes hébergées (par exemple, un bouton d'appel d'urgence sans fil, des procédures de signalement et de suivi d'événements préoccupants, la création d'équipe de travail afin de permettre l'intervention des soignants en binôme) ;
- ET après échec des procédures d'enquêtes n'ayant pas permis de détecter une situation de maltraitance, dès lors qu'un doute subsiste.
Avant la mise en place d'un dispositif de vidéosurveillance, l'établissement doit notamment respecter les garanties suivantes :
- Limiter l'activation dans le temps ;
- Désactiver le dispositif de vidéosurveillance lors des visites des proches, sauf si le soupçon de maltraitance porte sur ces derniers ;
- Établir et appliquer un cadre interne quant aux conditions justifiant l'installation d'un dispositif de vidéosurveillance. Cette procédure devrait avoir été préalablement présentée au Conseil de la vie sociale (CVS) ;
- Informer les salariés de manière individuelle et collective ;
- Recueillir le consentement des personnes hébergées ou lorsque la personne n'est pas en mesure de consentir, celui-ci devra être recueilli dans le respect des règles spécifiques liées à la protection des majeurs ;
- « Flouter », dans la mesure du possible, les parties intimes de la personne concernée dès lors que les soins qui lui sont apportés sont réalisés dans son lit ;
- Insérer au sein du règlement intérieur la possibilité qu'un dispositif de vidéosurveillance soit mis en place dans la chambre d'un résident en cas de suspicions fortes de maltraitance et y faire notamment figurer les modalités de visionnage ;
- Sensibiliser et former le personnel chargé de gérer et de mettre en oeuvre ces dispositifs.
L orsque la demande émane de la famille ou des proches, l'installation d'un tel dispositif devrait être réalisée en concertation avec l'établissement , tenant compte des procédures d'enquêtes, du respect du cadre interne en matière de faisceaux d'indices, de l'information du personnel, le cas échéant.
Interdiction d'installer des caméras pour améliorer le service offert
Il est en principe interdit d'installer des caméras pour améliorer le service offert à la personne concernée en renforçant son « confort » (par exemple intervention rapide en cas de demande particulière formulée par la personne), même lorsqu'elle a donné son consentement. La Cnil estime à cet égard que d'autres dispositifs moins attentatoires à la vie privée des personnes hébergées existent et devraient être privilégiés pour atteindre cette finalité (enquêtes de satisfaction, cahiers de doléances, dispositifs d'appel-malade, dialogue avec le Conseil de vie sociale, etc.).
Par ailleurs, pour assurer la sécurité des personnes hébergées en cas de chute ou d'accident, la Cnil rappelle que des dispositifs autres que ceux utilisant la vidéosurveillance peuvent être mis en place (capteurs de présence placés sous le sol et susceptibles de détecter la moindre anomalie, bracelet susceptible de détecter une chute brutale grâce à un accéléromètre, capteurs/boitiers infrarouges capables de détecter une chute et d'envoyer un message d'alerte au personnel, etc.).
Au regard des risques élevés qu'est susceptible d'engendrer ce traitement pour les droits et libertés des personnes concernées, les organismes mettant en oeuvre ce dispositif de vidéosurveillance devront réaliser une analyse d'impact relative à la protection des données (AIPD). La Cnil se tient, à cet égard, à la disposition des organismes pour les accompagner dans la réalisation de leur AIPD.