Les maires sont en première ligne pour faire face au vieillissement de la population. Un rapport d'informations sénatorial formule des recommandations pour que les politiques nationales les y aident.
Vieillissement : des maires au front
Les maires ? « Des grands architectes de la transition démographique », écrivent les sénateurs Laurent Burgoa (LR Gard) et Corinne Féret (socialiste Calvados) dans un rapport sur « L'adaptation des communes et des intercommunalités au vieillissement », adopté à l'unanimité le 8 octobre par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales.
En 2040, les plus de 65 ans représenteront un quart de la population... et seront plus nombreux que les moins de 15 ans. Transports, voirie, habitat, accès aux services de proximité... les élus locaux sont en première ligne, et souvent des « inventeurs de solutions ». Le rôle des maires a d'ailleurs été conforté par les récentes évolutions législatives : loi ASV du 28 décembre 2015 mais aussi, « bien que ses ambitions soient restées trop limitées », loi bien vieillir du 8 avril 2024. Mais les communes et les intercommunalités « n'en restent pas moins confrontées aux lacunes des politiques nationales », soulignent les auteurs, la problématique de l'adaptation du logement en étant « un exemple éloquent » : MaPrimeAdapt' a pour objectif 680 000 logements en dix ans, alors que les besoins sont estimés à près de deux millions. Étudier la possibilité d'en faire un dispositif universel ou revoir a minima ses ambitions à la hausse est d'ailleurs l'une des 11 recommandations du rapport.
Il préconise en outre d'encourager la participation des communes et des intercommunalités aux conférences des financeurs de la prévention de la perte d'autonomie, voire d'envisager de la rendre obligatoire dans la phase de recensement des initiatives locales. Pour Laurent Burgoa et Corinne Féret, la « bonne association » des communes et intercommunalités aux futurs services publics départementaux de l'autonomie créés par la loi Bien Vieillir doit être un critère de leur cahier des charges. Le décret d'application encore attendu pourrait d'ailleurs approfondir la territorialisation de ce guichet unique en soutenant également, à l'échelle infradépartementale, les modèles de coordination préexistants - pour « éviter de fragiliser les dispositifs de coordination déjà en place au niveau local ».
La locomotive Villes amies des aînés
Le rapport consacre le rôle de locomotive du réseau francophone Villes amies des aînés (RFVAA), présidé par Thomas Dudebout, maire adjoint de Saint-Quentin (02), et recommande d'en « renforcer la visibilité ».
Le Réseau mondial a été créé par l'Organisation mondiale de la santé en 2010 pour mettre en relation des villes, des communautés et des organisations du monde entier ayant pour objectif commun de faire de leur communauté un endroit où il fait bon vieillir. Lancé deux ans après, le réseau francophone compte aujourd'hui 334 collectivités entrées dans une dynamique de projets à 360 ° qui s'appuie sur deux piliers : la participation des habitants et la lutte contre l'âgisme - la personne âgée est une habitante parmi les autres. L'objectif est de sortir de la seule vision médico-sociale et de ne pas considérer le vieillissement sous le seul angle de l'incapacité (voir « Trois questions à »).
Lors du congrès des maires 2024, la remise des prix aux lauréats du Concours 2024 Villes amies des aînés qui, cette année, portait sur le thème de la santé, a témoigné de la diversité et de la créativité des réalisations initiées ou soutenues par les collectivités : parcours répit pour faciliter la vie des aidants à Angers, équipes mobiles pour la bientraitance de Nice, apéros sexologiques de Genève ou soins programmés de la communauté professionnelle territoriale de santé de Caluire-et-Cuire. Et tous les autres...
Le rapport sénatorial préconise d'ailleurs de pérenniser, dans le cadre du PLFSS 2025, le fonds d'appui pour les territoires innovants seniors, initié en 2021, doté de 8 millions d'euros par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et coordonné par le réseau.
Des maires qui vieillissent
Mais l'effet d'entraînement de Villes amies des aînés reste à (s')accentuer. Les maires peinent à « mentaliser » une politique transversale sous le prisme du vieillissement. C'est d'autant plus paradoxal qu'eux aussi vieillissent ! L'âge moyen des élus de 2020 était de 58,9 ans, et le nombre de maires de plus de 60 ans a atteint 55,3 % contre 49,7 % lors des élections de 2014... Dans Bien vieillir, 50 solutions pour les territoires (éditions Les Petits matins), Yann Lasnier et Boris Venon les invitent à faire de « l'anticipation, la préparation et l'adaptation des territoires à la nouvelle donne démographique » un axe majeur de l'action municipale - « ainsi que l'accompagnement d'une partie de la population pour que le bien vieillir ne soit pas un slogan ». L'enjeu ? Répondre aux besoins émergents de trois générations de seniors, les plus anciens, les baby-boomers et le début de la génération X (1965). Il est capital que les décideurs locaux appréhendent cette diversité du vieillissement.
Les auteurs ne nient pas la pesanteur des préjugés : le simple conseiller délégué ou l'adjoint au maire chargé de l'autonomie, des personnes âgées, des seniors, du bel âge... est encore étiqueté comme « l'élu aux guinguettes ». Avec un collègue à la culture qui programme du Maurice Chevalier ou du Charles Trenet... Mais ce genre d'anachronisme va disparaître... D'ailleurs les guinguettes ne sont-elles pas devenues très tendance ?