Créer un Ehpad qui ressemble à un véritable chez-soi : c'est le pari réussi des établissements Les Orchidées et du Village des Aubépins. En offrant des espaces de vie personnalisés, et un accès facile aux commerces, grâce à leur implantation en centre ville, ces structures redéfinissent l'accompagnement des personnes âgées, plaçant l'autonomie et l'inclusion au coeur de leur approche.

Vivre comme à la maison : immersion dans des Ehpad novateurs
« Nos fondateurs, il y a plus de 30 ans, ont imaginé l'Ehpad tel qu'on le voit aujourd'hui. Ils voulaient sortir d'une logique de prise en charge des personnes pour aller vers l'autodétermination », résume Arnaud Rousseaux directeur des Orchidées. Ce groupe associatif du Nord, créé dans les années 80 grâce à un don de la famille Mulliez compte aujourd'hui cinq Ehpad dans la métropole lilloise, une résidence service innovante et une colocation Alzheimer Carpe Diem. Depuis 2015, une offre complémentaire s'est développée, les Orchidées à domicile.
« Chez lui, c'est l'endroit où il décide »
« L'approche domiciliaire irradie l'ensemble de notre projet associatif », ajoute Arnaud Rousseaux. Les logements des Orchidées sont ainsi de véritables studios de 30 à 35 m² à l'architecture intérieure soignée. « Quand vous ouvrez la porte, vous ne voyez pas le coin chambre. Un couloir débouche sur une kitchenette avec machine à café, micro-ondes, réfrigérateur », décrit Arnaud Rousseaux. Les personnes âgées peuvent ainsi recevoir leur famille. Les logements comportent un espace libre qu'elles aménagent à leur guise, en y installant un bureau, un canapé... La plupart des habitations disposent aussi d'un petit balcon. La présence de boîtes à lettres individuelles et de sonnettes rappelle que chaque personne réside dans un lieu qui lui est propre. « Le personnel sonne à la porte. Cela signifie que le résident ne subit pas seulement une organisation collective. Chez lui, c'est lui qui décide », précise le directeur.
Sortir seul en centre-ville
Le Village des Aubépins, situé à Maromme, bourg de 13 000 âmes dans l'agglomération de Rouen, propose lui aussi, de véritables petits appartements. Un point jugé important par sa directrice Marie-Pascale Mongaux-Masse : « Personne n'habite une chambre, sauf peut-être les étudiants ». Achevé de construire en 2013, l'établissement jouit d'un emplacement privilégié, en plein coeur de ville. Il jouxte l'école primaire, la mairie, la médiathèque, un espace culturel et un grand parc de jeux. « Nos résidents peuvent sortir seuls, éventuellement en fauteuil roulant électrique, même en Gir 2. Ça change vraiment la vie », estime sa directrice. Le Village des Aubépins a été conçu pour éviter l'isolement et favoriser l'autonomie. Au rez-de-chaussée, quatre commerces : une brasserie, un salon de coiffure, d'esthétique et un espace de couture. Habitants et résidents s'y croisent.
Des points de vue sur la ville
Dans les studios, les lumières de la ville pénètrent. Ici, pas de fenêtres coupées à un mètre de hauteur, mais des baies vitrées, offrant des points de vue. Même alités, même sans bouger, les résidents entendent battre le coeur de la commune. « On peut être citoyen en restant assis à côté de sa fenêtre, en commentant les mouvements, bercés par les changements de bruits et de rythmes : la sonnerie de l'école, les mariages, les baptêmes, les enterrements, l'animation en semaine, la ville qui se vide pendant les vacances... », soutient Marie-Pascale Mongaux-Masse.
Pour imposer ce projet initié en 2007, la dirigeante a dû faire preuve de convictions. « Il nous fallait du terrain. On m'a dit qu'il y en avait à la sortie de la ville... On voulait nous y envoyer, parce que les gens âgés aiment soi-disant le calme », se souvient Marie-Pascale Mongaux-Masse qui a finalement obtenu gain de cause pour accroître l'emprise foncière de l'établissement dans le centre. De même, a-t-il fallu convaincre les pompiers. « Ils avaient des réticences. Dans la brasserie, ils souhaitaient installer des gicleurs et des systèmes de sécurité incendie, comme dans les grandes surfaces. L'architecte voulait abandonner, mais j'ai refusé et finalement, c'est passé », se remémore-t-elle.
Sortir du « c'est impossible »
L'approche domiciliaire nécessite de s'émanciper d'un certain carcan, tout en restant dans le cadre imposé. « Notre métier est tellement réglementé que le terrain finit par se dire que tout est impossible. Évidemment, il faut respecter les règles, mais il faut aussi sortir de cet état d'esprit, car on s'impose parfois des normes qui n'existent pas », plaide Arnaud Rousseaux. Le dirigeant a par exemple fait une découverte intéressante sur la réglementation incendie : « Quand un logement mesure moins de 50 m², il n'est absolument pas interdit d'apporter des meubles personnels, voire des rideaux et du linge de lit. Dans les espaces communs, les meubles non fixes peuvent tout à fait être non-feu », souligne l'intéressé.
Accepter le droit au risque
L'approche domiciliaire est aussi un état d'esprit. Il y a deux ans, aux Orchidées, une jeune directrice lance l'idée de proposer des sorties aux résidents en soirée. « Et moi le premier, je me suis dit qu'ils allaient être fatigués ! Mais comme nous tous, finalement, après un ciné et une pizza », se rappelle le directeur qui finit par dire « banco ». Il se souvient d'une sortie en ville avec trois résidentes apprêtées pour l'occasion. « J'avais une bande d'ados à l'arrière de la voiture : On a tellement ri ensemble ! Nous ne sommes pas là pour prendre des risques, mais pour maintenir une vie qui peut en contenir. Il faut sortir de la douleur dans l'accompagnement des personnes âgées et distiller de l'enthousiasme ».
Résidence inclusive : Rester chez soi
Marie-Pascale Mongaux-Masse voit dans cette approche nouvelle une piste pour attirer plus tôt en Ehpad, changer l'image dégradée des établissements et faciliter les recrutements. « Si vous n'accueillez que des personnes atteintes de troubles cognitifs et des personnes en fin de vie, les établissements deviennent des cocottes minute. » Dans cet esprit, une nouvelle résidence de 48 places verra bientôt le jour dans la commune voisine de Montville, portée par le Village des Aubépins. A proximité immédiate, une résidence inclusive pour 34 personnes, dont 20 personnes âgées, composée d'appartements du T1 au T4. Entre les deux, une crèche et une maison de santé. « Le personnel pourra transiter d'un établissement à l'autre. Dans la résidence inclusive, tout a été pensé pour que la personne vieillissante devenant dépendante puisse rester chez elle ».